100 mégawatts de puissance pour plus de 100 rivières menacées
Plus de 100 rivières menacées pour une poignée de mégawatts
Vous aimez passer du temps en nature, pêcher le saumon et/ou vous pratiquez un sport en plein air aux abords d’une des grandes rivières ? La rivière près de chez vous est peut-être menacée par le projet de loi sur l’énergie numéro 69 (PL 69), permettant à des promoteurs de déposer des projets de barrages sur plus de 100 rivières à Hydro-Québec qui pourrait ne pas avoir d’autre choix que de les accepter!
Comment ? En gros, cette modification ouvre la porte à ce que des producteurs privés d’énergie obtiennent l’autorisation du ministère de l’Énergie de proposer des projets de complexes hydroélectriques privés sur des rivières jusqu’à concurrence de puissance de 100 MW. Le gouvernement rend donc possible l’exploitation de plus de 100 rivières, dont plusieurs rivières à saumon, par les entrepreneurs privés pour y faire des barrages hydroélectriques de moyenne envergure ou par le rachat de barrages existants. Cette modification, qui n’a pas été demandée par Hydro-Québec, est une véritable menace pour la biodiversité et les écosystèmes locaux.
Les centrales au fil de l’eau produisent de l’électricité en turbinant l’eau qui s’écoule naturellement dans la rivière. Elles produisent à pleine capacité au printemps et à l’automne, lorsque le débit est important, mais beaucoup moins durant les périodes d’étiage, en été et en hiver. Les centrales à réservoir emmagasinent l’eau et peuvent produire à pleine capacité durant les 100 à 300 heures de la période de grand froid, alors qu’Hydro-Québec peine à répondre à la demande. Les centrales au fil de l’eau ne sont pas une réponse aux besoins énergétiques de la province.
Deux rivières pourraient rapidement faire les frais de cette ouverture, les rivières Gatineau et Kipawa où des promoteurs n’attendent que le bon moment pour soumettre leur projet de barrages..
Découvrez les 108 rivières menacées par le PL 69
La Fondation Rivières a identifié sur cette carte plus d’une centaine de rivières pouvant être ciblées par des producteurs privés : celles où se reproduisent les saumons de l’Atlantique, celles où se pratiquent les activités d’eau vive de kayak, canot et rafting et celles qui font naître des chutes exceptionnelles. Quelques rivières à fort débit et à fort dénivelé sont protégées dans des parcs naturels. Malgré tout, leur protection n’est pas garantie. Un statut de «réserve aquatique projetée» pourrait protéger ces rivières des exploitants, puisqu’il soustrait la zone désignée à toute forme d’exploitation forestière, d’exploration et d’exploitation minières et de production énergétique. Par contre, c’est un statut transitoire et n’a toujours pas de statut légal reconnu. Sinon, il n’existe pour le moment aucune procédure légale permanente, ni formelle, de protection des rivières au Québec. Tout ce patrimoine naturel est à protéger, non pas à harnacher. Cette carte vous pointe les rivières menacées par la location de puissance hydraulique supplémentaire proposée par le gouvernement.
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Tableau avec la liste des rivières et leur potentiel en mégawatts
Ces 108 rivières ont le potentiel de fournir une puissance entre 50 et 100 MW, les rendant attractives pour les promoteurs qui désirent réaliser des projets énergétiques privés. En naviguant dans ce tableau, vous trouverez des informations clés sur les rivières menacées du Québec, dont le potentiel de puissance, leurs débits, leurs dénivellations et leurs longueurs.
Méthodologie d'analyse
Hydro-Québec refuse de rendre public le potentiel hydroélectrique des rivières du Québec. Nous nous sommes donc tournés vers des données produites en 1995 dans le cadre d’une consultation présidée par Alban D’Amours: Pour un Québec efficace : rapport de la Table de consultation du débat public sur l’énergie (1994-1995). Nous nous sommes basés sur les données de ce document qui donne le potentiel de puissance chacune des rivières. Nous avons choisi de conserver les rivières qui ont un potentiel de plus de 40 MW, parce que la technologie a beaucoup évolué et que la puissance que l’on peut tirer d’un site d’eau vive s’est considérablement accrue au cours des 30 dernières années.
Accès aux données
- Dans le rapport D’Amours, le potentiel de puissance hydroélectrique pour chacune des rivières était décliné en trois composantes:
- La puissance théorique de la rivière, aussi appelée intrinsèque, est le potentiel estimé d’une rivière à partir de cartes, d’images satellites d’informations topographiques et de débits de tronçons.
- Le potentiel constaté, ou puissance aménageable, qui est souvent issu d’une étude conduite sur les lieux en considérant le cumul des tronçons avec des caractéristique qui peuvent être économiquement aménagés afin de produire de la puissance électrique.
- La puissance aménagée (ou production actuelle) met en lumière la puissance des turbines hydroélectriques en production sur les rivières.
- Dans le tableau, nous avons aussi séparé les différentes rivières en 3 statuts distincts, en fonction des informations que nous possédons : projet envisagé ; projet en élaboration ; projet annulé.
- Nous avons ensuite retiré les rivières qui ont déjà été ciblées pour de grands ouvrages, les rivières ou les projets ont déjà été réalisés (depuis 1995), les rivières qui sont considérées comme protégées et d’autres pour lesquelles nous n’avions pas suffisamment d’informations.
- Nous croyons que notre liste sous-estime le nombre réel de rivières qui pourraient être intéressantes pour un producteur privé.
Le projet de loi sur l’énergie numéro 69 (PL 69)
En septembre 2024, la Fondation Rivières a présenté en commission parlementaire un mémoire dénonçant le projet de Loi 69 sur la réforme de l’énergie. Nous nous opposons fortement à la hausse du seuil de la capacité de location de puissance hydraulique de 50 à 100 mégawatts qui va encourager les promoteurs à soumettre des projets de barrage au fil de l’eau. La limite actuelle est à 50 MW et elle rend les prix non concurrentiels par rapport à l’éolien. Les deux projets privés visibles, Onimiki et la rivière Gatineau, deviendraient possibles et rentables avec cette modification. Ce sera aussi le cas pour de nombreuses autres rivières.
Un barrage en amont de la rivière Kipawa et d’un parc national
L’ancien projet Tabaret, abandonné par Hydro-Québec dans les années 90, a refait surface sous une autre forme: le projet Onimiki au Témiscamingue. Le projet permettrait de produire 60 MW (à environ 30km au nord de Témiscaming et 15 km au sud de Laniel) avec la Centrale Onimiki Nord, une centrale hydroélectrique au fil de l’eau. Le projet envisage de détourner l’eau de la rivière Kipawa tout juste en amont du Parc National Opémican. Ce détournement aura pour conséquence de réduire le débit de la rivière Kipawa et d’avoir des conséquences négatives sur l’écosystème de la rivière, en mettant en danger sa biodiversité.
«Selon les données rendues publiques par Énergie renouvelable Onimiki, la rivière Kipawa perdrait jusqu’à 70 % de son débit à certaines périodes de l’année.»
Deux projets de barrage sur la rivière Gatineau
Même enjeu pour la rivière Gatineau : deux projets de nouveaux barrages ont été relancés sur la rivière, alors qu’on avait réussi à les bloquer il y a 20 ans. Ces projets viendraient détruire une série de rapides où plus de 500 canoteurs et kayakistes se réunissent chaque année dans le cadre du Festival d’eau vive de la Haute-Gatineau qui a été créé justement pour éviter ce genre de projets. L’entreprise Evolugen / Brookfield prévoit d’ériger deux centrales près de Grand-Remous et de Maniwaki, en concluant un accord commercial avec Hydro-Québec et en collaborant avec le Conseil de bande de la communauté locale.
Une menace pour le terrain de jeu des amateurs de sports d'eau vive
Les amateurs de sports d’eau vive sont aussi directement touchés par cette mesure, car elle vise de nombreuses rivières d’intérêt pour la pratique de ces activités, dont la Matawin, la Mistassibi, la rivière Rouge (Outaouais), la rivière de la Petite-Nation, et bien d’autres. Ces rivières, véritables paradis pour les kayakistes, canoteurs et autres aventuriers des eaux tumultueuses, sont non seulement des lieux de pratique sportive, mais aussi des espaces qui se distinguent par leurs rapides. Ces rivières offrent des parcours diversifiés, allant des passages tranquilles aux sections plus dynamiques. La fermeture ou la restriction d’accès à ces rivières aurait un impact direct sur cette communauté.
Votre attachement aux rivières
Rivières à saumon
Plusieurs rivières à saumon se trouvent menacées par le rehaussement du seuil de 50 à 100 mégawatts dans le PL 69. La construction de barrages nuit à la montaison des saumons et ce, malgré les mesures d’atténuation et de suivi mises en place par les promoteurs et Hydro-Québec.
Dans le cadre de son étude d’impact environnemental de 2008 sur le projet de complexe hydroélectrique sur la rivière Romaine, Hydro-Québec avait mis en lumière le risque que la construction d’un tel site modifie le flux et la température de la rivière avec des impacts sur l’habitat du saumon situé en aval de la chute principale. Enrocher massivement les rives en aval d’un barrage peut aussi causer un changement dans la répartition des habitats pour le saumon dans la rivière, avec un impact sur la reproduction. La diminution draconienne de la montaison des saumons sur la rivière Pentecôte, l’une des rivières menacées par le PL 69 a fait l’objet d’un reportage récemment. Le saumon est déjà mal en point. La construction de routes et de barrages dans les frayères risque d’aggraver le problème.
«Le plus important aujourd’hui, c’est de voir que l’eau coule encore, qu’il n’y a pas de barrages, et que lorsque je suis sur la rivière, le saumon vienne me dire salut (...) Maintenant, voir un saumon sauter me rend bien plus heureux que de l’avoir au bout de la ligne. »
Protection des chutes menacées
En 2001, le gouvernement du Québec avait libéré les droits hydriques pour 36 chutes réparties sur 24 rivières et encouragé les promoteurs privés à soumettre des projets de centrales . Quatre projets de centrales au fil de l’eau avaient été retenus par Hydro-Québec et combattus par une large coalition d’organisations et d’artistes mobilisés autour de la campagne Adoptez une rivière. Résultat : les 36 chutes ont été sauvées et plusieurs projets écotouristiques ont été développés autour de ces chutes. Elle a même donné l’inspiration qu’il fallait à Roy Dupuis et à ses alliés pour lancer la Fondation Rivières! Avec le PL 69, nous assistons à un retour en arrière. Si celui-ci va de l’avant avec sa volonté d’augmenter le seuil de 50 à 100 mégawatts, la bataille est à refaire.
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« Le BAPE avait recommandé que la destruction de la rivière Romaine soit compensée par la protection d'une rivière ayant des qualités esthétiques et hydromorphologiques équivalentes, la rivière qui se rapproche le plus de la défunte Romaine est sans contredit la Magpie, pourtant elle n'est toujours pas protégée pour permettre aux générations futures de connaître ce qu'était une grande rivière sauvage, vigoureuse, parsemée de chutes et de rapides. Il est primordial que la Magpie soit protégée pour toujours. »
