Québec, le 19 janvier 2024
Monsieur Benoit Charette
Ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les
changements climatiques, de la Faune et des Parcs
Édifice Marie-Guyart
675, boulevard René-Lévesque Est, 30e étage
Québec (Québec) G1R 5V7
ministre@environnement.gouv.qc.ca
Monsieur le ministre,
Par la présente, 180 organisations environnementales, groupes communautaires, syndicats, groupes citoyens et individus vous demandent de recommander au gouvernement d’assujettir le projet d’usine de batteries au lithium de Northvolt, prévu à McMasterville et Saint-Basile-le-Grand, à une évaluation environnementale indépendante.
Cette évaluation environnementale indépendante peut prendre différentes formes. En vertu de l’article 31.1.1 de la Loi sur la qualité de l’environnement, vous pouvez recommander au gouvernement d’assujettir le projet de Northvolt à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement, incluant la tenue d’audiences publiques menées par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, puisque les enjeux environnementaux que peut susciter le projet sont majeurs, que les préoccupations du public le justifient. Vous pouvez également demander de réaliser une évaluation environnementale stratégique de l’ensemble de la filière batterie, histoire que chaque projet de cette filière en expansion ne soit pas évalué à la pièce.
Nous sommes préoccupé.e.s par le grand manque de transparence dont font preuve les parties impliquées dans ce projet depuis ses premiers balbutiements. Les groupes environnementaux et citoyens et les médias se voient privés de documents ou en reçoivent de lourdement caviardés et ils obtiennent, au mieux, des informations incomplètes. À cause de l’opacité entourant ce projet, nous ignorons la substance des mesures exactes d’évitement, d’atténuation et de compensation qui sont prévues.
L’empressement avec lequel ce projet d’envergure est mené nous inquiète également. La perception que le Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets ait été modifié spécifiquement pour le projet de Northvolt nuit grandement à l’acceptabilité sociale du projet et mine la confiance du public. Ceci est renforcé par la tendance du gouvernement à modifier les règles entourant les évaluations environnementales pour accélérer certains projets, comme l’adoption en 2020 de la Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure.
Nous sommes également d’avis, tout comme les analystes de votre ministère, que le site choisi pour ce projet revêt une importance particulière pour la biodiversité. Le site du projet comprend plusieurs milieux humides, dont une superficie de 153 732 m2 est susceptible d’être affectée par les travaux. Selon les termes de votre ministère, le site joue le rôle d’intermédiaire entre deux massifs forestiers d’importance, soit les monts Saint-Bruno et Saint-Hilaire. On y recense 21 espèces menacées ou vulnérables au Québec, et au moins 13 espèces inscrites à l’Annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril, dont l’hirondelle de rivage qui a connu un déclin de 99 % de sa population depuis 1970. Le site constitue par ailleurs une aire de reproduction et une halte migratoire pour 142 espèces d’oiseaux. Nous insistons donc sur le fait que la transition énergétique est nécessaire, mais qu’elle ne peut pas être réalisée au détriment de la biodiversité.
Alors que l’inquiétude des Québécois.es envers ce projet ne cesse de s’amplifier, des autorisations environnementales ont pourtant d’ores et déjà été émises, les travaux d’abattage d’arbres ont déjà été observés et la destruction de milieux humides abritant des habitats d’espèces en situation précaire est imminente. Une évaluation environnementale indépendante est le meilleur moyen d’analyser les préoccupations de la société civile et des scientifiques. C’est aussi le meilleur moyen de prendre un temps d’arrêt pour s’assurer de la protection de l’environnement et de la pertinence des projets, et advenant qu’ils soient autorisés, de réaliser des projets qui respectent les normes et d’identifier s’il existe des solutions réalistes pour minimiser leurs impacts sur l’environnement.
En vous remerciant de votre collaboration, veuillez agréer, Monsieur le ministre, nos meilleures salutations.
- Alice-Anne Simard, directrice générale, Nature Québec
- Alain Branchaud, directeur général, SNAP Québec
- Chantal Levert, coordonnatrice générale, Réseau québécois des groupes écologistes
- Rébecca Pétrin, directrice générale, Eau Secours
- Sabaa Khan, directrice générale, Québec et l’Atlantique, Fondation David Suzuki
- Caroline Poussier, directrice générale par intérim, Centre québécois du droit de l’environnement
- Colleen Thorpe, directrice générale, Équiterre
- André Bélanger, directeur général, Fondation Rivières
- Karel Ménard, directeur général, Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets
Photo : Rivière Richelieu, Gilles Croteau