Montréal, le 24 avril 2024
TRANSMISSION PAR COURRIEL
Lettre adressée aux présidents et présidentes de l’Union des municipalités du Québec, de la Fédération québécoise des municipalités, de la Communauté métropolitaine de Montréal, de la Communauté métropolitaine de Québec
Objet: Les municipalités entre l’arbre et l’écorce sur les questions énergétiques
Le 11 avril dernier, le préfet de la MRC de Mékinac et maire d’Hérouxville, Bernard Thompson, annonçait sa démission, confronté à une mobilisation sans précédent des citoyens de la région contre le projet de la multinationale TES Canada de construire 140 méga éoliennes sur des terres agricoles en Mauricie. Si le passé est garant de l’avenir, ce climat toxique risque de se reproduire ailleurs au Québec, alors que le gouvernement Legault a choisi de permettre aux grandes industries de se lancer dans la production massive d’électricité sur le territoire, sans vision d’ensemble et sans consultation adéquate. Et ce sont les citoyens et vos membres, les élus municipaux, qui en paient le prix.
À la Fondation Rivières, nous sommes inquiets et préoccupés. Nous croisons de plus en plus de citoyens qui rejettent en bloc les projets de production d’énergie éolienne, comme si la filière elle-même était intrinsèquement néfaste. Pourtant, nous aurons besoin de cette forme d’énergie à la fois pour réaliser la décarbonation de l’économie et pour éviter que nos dernières grandes rivières sauvages ne soient défigurées par la construction de grands barrages, comme l’a illustré le documentaire Après la Romaine, diffusé il y a un an.
Jusqu’ici, la production d’électricité au Québec a reposé sur les grands barrages et ce sont les communautés autochtones qui ont vu de larges portions de leurs territoires être inondées. Pour nous, gens du Sud, la production d’électricité était quasiment invisible, hormis les lignes à haute tension qui balafrent le paysage. Aujourd’hui, pour la première fois de notre histoire, nous constatons les impacts de la production énergétique près de nous, dans les territoires habités de la vallée du Saint-Laurent, et nous sommes à même de mieux comprendre ce que ressentent les communautés autochtones.
Alors que le Québec s’est engagé à protéger la biodiversité sur 30% du territoire, notamment dans le Sud du Québec, les grandes industries enfilent les projets de production d’énergie, sans vision d’ensemble, sans cohérence, comme si le territoire était illimité.
Cela fait des mois qu’avec un grand nombre d’acteurs de la société civile, nous demandons au gouvernement de consulter la population sur notre avenir énergétique, de tenir un BAPE générique sur la question. Nous ne vous avons pas entendu sur cette question. Vos membres sont pris entre l’arbre et l’écorce et ils devront faire face à leurs électeurs dans 18 mois. Que pourront-ils leur dire? Qu’ils n’avaient pas le choix?
La production d’énergie touche à l’aménagement du territoire et c’est au cœur du mandat de vos membres, des municipalités et des MRC. De par votre proximité avec les citoyens, vous pouvez mener ces consultations et ces débats, mettre en action des initiatives en efficacité énergétique et soutenir des alternatives, comme l’intégration de la production photovoltaïque, géothermique et éolienne dans des microréseaux électriques inspirés du modèle déployé à Lac-Mégantic.
À cette production industrielle débridée s’ajoute l’irresponsabilité du gouvernement Legault qui refuse de s’attaquer à la surconsommation d’énergie. Ces deux ingrédients mis ensemble nous obligent à devoir produire toujours plus d’énergie de plus en plus près des zones densément peuplées et cette production aura un coût sur le paysage et un impact sur le territoire. Or, dans le contexte actuel, l’entreprise privée prend les décisions comme si le territoire lui appartenait alors que son aménagement est du ressort de nos élus municipaux. Vous avez des pouvoirs, de grâce exercez-les.
Initiez le dialogue, ouvrez les discussions avec les citoyens et comme un grand nombre d’autres organisations de la société civile, nous serons disposés à y collaborer. Nous n’attendons que votre invitation.
André Bélanger
Directeur général
Fondation Rivières