Le 21 juin 2023
Monsieur François Legault, Premier Ministre du Québec
Monsieur Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie et ministre responsable du Développement économique régional
Monsieur Eric Girard, ministre des Finances et ministre responsable des Relations avec les Québécois d’expression anglaise
Monsieur Benoit Charette, ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs
Monsieur Ian Lafrenière, ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuits
Objet : Questionnaires en ligne sur l'encadrement et le développement des énergies propres : non à un simulacre de consultation
Monsieur le Premier Ministre, Messieurs les Ministres,
Nous unissons nos voix pour vous exprimer notre vive opposition à la consultation en ligne et spécialement au questionnaire en deux versions que votre gouvernement propose à la population du Québec depuis le 2 juin dernier, en lieu et place du « vrai débat de société » sur l’avenir énergétique du Québec promis par le premier ministre François Legault dans son discours d’ouverture du 30 novembre 2022.
Loin de donner lieu à un « vrai débat de société », la consultation en ligne en est l’antithèse à plusieurs égards. Une personne seule devant un questionnaire ne participe pas à un débat : elle répond à un sondage. Au contraire, un débat de société fournirait des occasions réelles et soutenues d’échanges, de partages de connaissances et de chocs de perspectives entre les parlementaires et leurs équipes, les spécialistes en énergie et en environnement de la fonction publique, les acteurs du secteur énergétique, la communauté scientifique, les syndicats, la société civile dans toute sa diversité, les peuples autochtones et les populations les plus vulnérables, qui risquent d’être pénalisées par la transition si elles ne sont pas parties prenantes des réflexions et des décisions.
De plus, la consultation a une portée beaucoup trop restreinte puisqu’elle porte strictement sur « l’encadrement et le développement des énergies propres », comme son nom l’indique, alors que la transition énergétique soulève des enjeux transversaux de grande importance et beaucoup plus vastes. Cette approche à la pièce nous inquiète fortement car elle laisse présager un développement débridé de la production d’énergie avant même que la société québécoise ait défini sa vision collective du Québec décarboné de demain ni évalué les risques environnementaux, sociaux et économiques inhérents à une politique privilégiant l’augmentation de l’offre d’énergie plutôt que la réduction de la demande. Cette réflexion devrait précéder et éclairer la révision des lois sur la Régie de l’énergie et sur Hydro-Québec, annoncée pour l’automne prochain, et non lui succéder.
Par ailleurs, les modalités de la consultation limitent la participation citoyenne alors qu’elle devrait être encouragée. D’une part, l’utilisation du Web exclut les populations qui n’ont pas accès à cette technologie ou dont la littératie est moins élevée. D’autre part, la période du 2 juin au 1er août est particulièrement mal choisie pour une consultation large puisqu’elle coïncide, pour plusieurs, avec la clôture du premier semestre, la préparation des vacances estivales et les vacances comme telles.
Enfin, la formulation de nombreuses questions du questionnaire nous fait mettre en doute la validité des réponses que vous obtiendrez et surtout de l’usage que vous en ferez. Notamment, certaines questions sont tellement générales que les réponses qu’elles généreront pourront mener à n’importe quelle conclusion. D’autres mettent les répondant.e.s devant des choix dont les importantes répercussions ne sont pas dévoilées. D’autres encore demandent aux répondant.e.s d’émettre des opinions sur des éléments techniques qu’il est insensé de soumettre à la faveur populaire sans fournir l’information nécessaire pour en comprendre les tenants et aboutissants. Plusieurs, enfin, dissimulent des enjeux impossibles à détecter par des personnes qui ne sont pas au fait des intentions de votre gouvernement. Globalement, le questionnaire porte sur des questions pointues et complexes pour la société civile, même au fait des questions énergétiques, mais omet les principes et les questions de fond sur lesquelles la population est apte à se prononcer et en droit de le faire.
Pour toutes ces raisons, Monsieur le Premier Ministre, Messieurs les Ministres, nous considérons que la consultation en ligne sur « l’encadrement et le développement des énergies propres » est une opération de relations publiques — un simulacre de consultation dont l’objectif semble être de justifier des orientations qui sont déjà fixées et qui privilégient l’industrie au détriment de la décarbonation, de la préservation des milieux naturels et de la protection des milieux de vie. Nous ne recommandons pas à nos membres et sympathisant.e.s de répondre au questionnaire et vous prions de suspendre votre projet de réviser les lois sur la Régie de l’énergie et sur Hydro-Québec, ainsi que l’accueil de nouvelles entreprises énergivores, jusqu’à ce que le débat de société que vous avez promis ait eu lieu.
Ce débat de société pourrait se faire dans le cadre d’une enquête avec audiences publiques, communément appelée un « BAPE générique », comme l’ont demandé 101 organisations et plusieurs universitaires dans la lettre qu’ils vous adressaient le 3 février dernier et à laquelle ils n’ont d’ailleurs jamais obtenu de réponse. Le débat pourrait aussi prendre d’autres formes proposées par les nombreuses autres voix qui ont elles aussi réclamé un dialogue large, exhaustif et inclusif sur l’avenir énergétique du Québec.
Votre gouvernement a en ce moment une occasion unique de définir avec la population un réel projet de société autour de la transition énergétique. Nous espérons sincèrement que vous la saisirez.
Signataires :
- Anne-Céline Guyon, chargée de projet experte climat, Nature Québec
- Marc Nantel, porte-parole, Regroupement Vigilance Mines de l’Abitibi et du Témiscamingue (REVIMAT)
- Jean-Philippe Waaub, professeur associé, Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques du Québec, UQAM
- Charles Bonhomme, responsable affaires publiques et communications, Fondation David Suzuki
- Marie-Hélène Fortier, Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes
- Dominique Daigneault, présidente, Conseil central du Montréal métropolitain-CSN
- Florence Bourdeau, coordonnatrice, Front commun pour la transition énergétique
- Jean-Pierre Finet, analyste et porte-parole, Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ)
- Émilie Laurin-Dansereau, responsable du dossier « accès à l’énergie », ACEF du Nord de Montréal
- Ève Duhaime, vice-présidente, TerraVie
- Christiane Bernier, coordonnatrice, Trois-Rivières sans pesticides et Les enjeux de l’insecticide Bti sur la biodiversité
- Yolande Henry, fondatrice, Transition écologique La Pêche Coalition for a Green New Deal
- Quentin Lehmann, militant, l’Écothèque
- Jacques Benoit, co-auteur du Plan de la DUC, membre de GMob (GroupMobilisation)
- Réal Lalande, président, Action Climat Outaouais (ACO)
- Laurence Guénette, coordonnatrice, Ligue des droits et libertés
- André-Yanne Parent, directrice générale, Réalité climatique Canada
- Patricia Clermont, Ph.D, coordonnatrice, Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME)
- Mélanie Hubert, présidente, Fédération autonome de l’enseignement (FAE)
- Pascal Bergeron, porte-parole, Environnement Vert Plus
- Ambre Fourrier, membre du comité scientifique, Polémos
- Stéphane Poirier, cofondateur, Non à une marée noire dans le Saint-Laurent
- Marie-Eve Boucher, chargée de projet, Collectivité zéro émission nette L’Assomption-D’Autray
- Jean-François Boisvert, président, Coalition climat Montréal
- Chantal Levert, coordonnatrice générale, Réseau québécois des groupes écologistes RQGE
- Francis Waddell, administrateur et chargé de projet, Demain Verdun
- Olivier Touchette, président du conseil d’administration, Les oubliés de l’autobus
- Bernard Hudon, chercheur associé, Centre Justice et Foi
- Joseph Dansereau, président du conseil d’administration, L’Accorderie de Québec–coopérative de solidarité.
- Carole Mainville, La Planète s’invite au Parlement-Longueuil
- Claude Vaillancourt, président, ATTAC-Québec
- Marie-Pier Ouellet, vice-présidente, Conseil central SLSJ-CSN
- Carol Saucier, porte-parole, Solidarité Gaspésie
- Guillaume Bazire, membre de Prospérité Sans Pétrole
- Martin Poirier, cofondateur, NON à une marée noire dans le Saint-Laurent
- Françoise Ramel, vice-présidente, Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec-FIQ
- Éric Ferland, directeur général, Foire ÉCOSPHÈRE
- Émilie Charbonneau, 2e vice-présidente, Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
- Laura Ullmann, Greenpeace Canada
- Valérie Lépine, Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec
- Normand Beaudet, porte-parole, Action Environnement Basses-Laurentides
- Catherine Houbart, directrice générale, GRAME
- Geneviève Tremblay-Racette, coordonnatrice, Table ronde des organismes volontaires en éducation populaire de l’Outaouais (TROVEPO)
- Lucie Bergeron, membre, Transition Capitale-Nationale
- André Bélanger, directeur général, Fondation Rivières
- Maude Desbois, chargée des communications, Mères au front
- Catherine Chouinard, directrice générale, Communagir
- Jean Paradis, Fondation coule pas chez nous
- Marie-Jacques Samson, coordonnatrice, Rive-Sud en transition
- Jacques Bouchard, Bertrand Guibord et Isabelle Thérien, Comité de suivi, Convergence populaire
- Johanne Dion, Comité Énergie, Montréal pour tous
- Renée-Claude Lorimier, Collectif de convergence citoyenne d’Ahuntsic-Cartierville (CCC-AC)
- David Sylvestre, membre, Équipe verte de Carleton-sur-Mer
- Patrick Gloutney, président, SCFP-Québec
- Pierre Avignon, comité citoyen Vers un val vert
- Sophie Morin, Mères au Front Rive Sud
- Cristina Cabral, présidente, UES section locale 800
- Daniel Green, co-président, SVP – Société pour Vaincre la Pollution
- Rébecca Pétrin, directrice générale, Eau Secours
- Geoff Clayden, représentant, La Planète s’invite au parlement-Gaspé
- Bruno Detuncq, Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ)
- Anne Dionne, vice-présidente, Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Lettre endossée par :
- Lucie Sauvé, Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté (Centr’ERE), UQAM
- Johanne Béliveau, historienne consultante
- Normand Brunet, retraité de l’UQAM, enseignant, chercheur, coordonnateur
- Patrick Provost, citoyen et professeur, Université Laval
- Lyne Lefebvre, professeure associée, École de design de l’UQAM, Centr’ERE (et Mère au front)
- Jean-Pierre Desjardins, chargé de cours, UQAM
- Marie Saint-Arnaud, professeure associée, Institut des sciences de l’environnement, UQAM et Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec
- Réal Reid, chercheur en énergies renouvelables, retraité
- Olivier Riffon, professeur en éco-conseil, responsable du collectif de recherche LAGORA, UQAC
- Frédéric Fournier, professeur, Département de didactique, UQAM
- Laurence Brière, professeure, Institut des sciences de l’environnement, Centr’ERE, UQAM
- Fernando Hitt, professeur, Faculté des sciences, UQAM
- Denis Bourque, professeur titulaire, Département de travail social, UQO
- Jean Lessard, professeur émérite, Faculté des sciences, Université de Sherbrooke
- Françoise Miquet, chargée de cours, Université de Montréal
- Lucie Morin, doctorante et chargée de cours à l’École de travail social, Université de Montréal
- Charles-Antoine Bachand, professeur en fondements de l’éducation, UQO
- Maurice Forget
- Isabelle Miron, professeure, Département d’études littéraires, UQAM
- Jean-Luc Dion, ing., professeur retraité, UQTR
- Stéphane Grenier, professeur, École de travail social, UQAT
- Julien Keller, professeur, Faculté des Sciences, UQAM
- Eric Pineault, professeur, président du comité scientifique de l’Institut des sciences de l’environnement, UQAM
- Alain Deneault, Professeur de philosophie, Université de Moncton – Campus de Shippagan
Copie conforme à :
- Monsieur Gregory Kelley, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’énergie
- Monsieur Haroun Bouazzi, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière d’économie, d’innovation et d’énergie
- Monsieur Paul St-Pierre Plamondon, porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière d’économie, d’innovation et d’énergie
Photo : Gouvernement du Québec