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La grève est publique, plage de Batiscan - caractère public - Crédit Photo : Alex Gervais

Montréal, le 11 septembre 2023
TRANSMISSION PAR COURRIEL

Monsieur Christian Fortin, Maire de la Municipalité de Batiscan
Hôtel de ville
795, rue Principale
Batiscan (Québec) G0X 1A0

Objet : Le ministère de l’Environnement confirme le caractère public du littoral de la plage de Batiscan

Bonjour monsieur Fortin,

À la demande d’un groupe de citoyens préoccupés par les conflits d’usage autour de la plage de Batiscan, la Fondation Rivières a investigué le dossier et nous avons eu connaissance de plusieurs faits que nous tenons à porter à votre attention. Ces éléments factuels ont été communiqués à l’Association pour l’accessibilité citoyenne de la plage de Batiscan et il nous semble important que vous en preniez connaissance, puisqu’ils devraient servir de base au nécessaire dialogue que vous devez entamer aujourd’hui avec les citoyens sur ce dossier.

1. Le littoral de Batiscan est du domaine de l’État et il est public puisque le ministère de l’Environnement n’y a jamais concédé de terrains

Certains propriétaires riverains à Batiscan continuent de prétendre que les terrains que leur a cédés le ministère de l’Environnement se rendent jusqu’en eau profonde dans le fleuve Saint-Laurent. C’est inexact, puisque le ministère de l’Environnement est encore et toujours le seul propriétaire de tous les terrains situés sur le littoral à Batiscan. Le littoral, au sens de la loi, concerne les berges qui sont situées entre la ligne des hautes eaux et le fleuve. À Batiscan, le littoral fait entre 15 et 18 mètres de profondeur.

Puisque l’État en est toujours le propriétaire, personne ne peut prétendre avoir acquis de tels terrains.

La réponse à nos questions de la Direction principale des opérations hydriques du Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) est sans équivoque :

« En réponse à vos questions, les concessions effectuées pour ce secteur concernent des parties remblayées du fleuve Saint-Laurent. En aucun cas, ces concessions ne comprenaient une partie non remblayée du fleuve Saint-Laurent, les remblais étant limités à la ligne des hautes eaux (marées) du fleuve Saint-Laurent. »

Vous trouverez l’échange courriel en pièce jointe.

Nous sommes préoccupés par la décision de la municipalité de Batiscan de verrouiller un des seuls accès sécuritaires à la plage, ce qui rend l’accès impossible pour une personne à mobilité réduite. Je vous rappelle que la municipalité a l’obligation d’assurer à tous et à toutes un accès aux espaces publics sur son territoire lorsque c’est possible, ce qui est clairement le cas ici.

2. Des arpenteurs-géomètres ont établi que la limite des hautes eaux se situait à plus de 15 mètres du fleuve Saint-Laurent

Les arpenteurs-géomètres Châteauneuf Tousignant McClure ont complété en 2013 et en 2016 un travail d’arpentage de la plage de Batiscan pour le compte de la municipalité de Batiscan. Dans les deux cas, la firme a déterminé que la limite des hautes eaux se situait à une distance entre 15 et 18 mètres du rivage. La firme a aussi établi exactement où se trouve la limite des propriétés riveraines qui est à bonne distance du fleuve, malgré ce qu’en pensent les propriétaires.

Plan de la zone inondable de la plage de Batiscan

Incidemment, nous avons été stupéfaits d’apprendre qu’un agent de la Sûreté du Québec a interpellé une jeune famille qui faisait des châteaux de sable sur les terrains du domaine public le vendredi 8 septembre sous prétexte que ces terrains appartiendraient aux propriétaires riverains. Il nous apparaît urgent que le conseil municipal rétablisse les faits auprès des responsables de la Sûreté du Québec afin que ce genre d’injustice ne se reproduise plus.

3. La prétention des propriétaires riverains vient d’une mauvaise compréhension des actes de vente

La prétention des propriétaires riverains nous semble s’appuyer sur une confusion liée aux termes utilisés dans l’arpentage primitif. Cet arpentage primitif a été remplacé par le cadastre officiel au moment de la réforme cadastrale de 1994. Dans un des actes de vente que nous avons consulté, par exemple, on y lit que le « lot de grève et en eau profonde faisant partie du lit du fleuve Saint-Laurent, connu et désigné comme étant les blocs mille deux cent treize et mille deux cent seize (Blocs 1213 et 1216) de l’arpentage primitif du Fleuve Saint-Laurent […], aussi connu et désigné comme étant les lots six cent trois et six cent cinq (603 et 605) du cadastre officiel. »

En français clair, cela signifie simplement que les blocs en question ont été remplacés par les lots 603 et 605. Ces lots ont été subdivisés au fil des années, mais on peut clairement constater dans le registre foncier qu’ils sont tous situés au-delà de la ligne des hautes eaux.

4. Le règlement sur le flânage de Batiscan ne passerait pas le test des tribunaux

L’article 12 du règlement 124-2010 sur la sécurité, la paix et l’ordre dans les endroits publics stipule que « nul ne peut se coucher, se loger, mendier ou flâner dans un endroit public. » Les endroits publics sont définis à l’article 2 comme « Les parcs, les rues, les véhicules de transport public, les aires à caractère public. » La plage de Batiscan est considérée comme une aire à caractère public depuis 2015.

Ce règlement a été invoqué par la municipalité dans une lettre envoyée à une citoyenne en 2021. « Ainsi, considérant les lois et règlements en vigueur, il est possible pour le public d’accéder seulement à la grève du fleuve sur le territoire de Batiscan pour y circuler sans toutefois pouvoir s’y établir de façon temporaire pour la journée ou y flâner. De tels comportements seraient contraires aux règlements de Batiscan. »

Cette interprétation est inexacte et elle ne passerait pas le test des tribunaux. Les règlements sur le flânage, conçus pour éviter les débordements et le vagabondage dans les espaces publics, ont été utilisés à tort et à travers par les municipalités et la Cour suprême a limité la portée de cette notion qui est susceptible de porter atteinte au droit de libre circulation prévu à l’art. 6 de la Charte canadienne, voir peuvent constituer de la discrimination (art. 15 de la Charte) lorsqu’il est démontré qu’ils visent, par exemple, à lutter contre l’itinérance.

Je vous invite à lire le jugement du 16 avril 2012 (31955092 – ville de Québec c. Yvan Pouliot). Le citoyen Yvan Pouliot est assis sur une chaise, occupé à lire un livre dans un endroit public près du fleuve. Lors de son interpellation, M. Pouliot est à cet endroit depuis 15 heures. Il « s’instruit par la lecture d’un livre ». Il « profite du soleil en accumulant de la vitamine D en prévision de l’hiver ». Il « prend l’air » et il « admire le fleuve ».

Il a contesté une amende de 150$ pour flânage et il s’est fait acquitter par le tribunal qui a jugé que le terme « flâner » doit être pris dans son sens habituel, selon les dictionnaires, dans le contexte d’une interdiction de comportement de nature à troubler la paix publique, la tranquillité du voisinage ou le bon ordre.

Il nous apparaît essentiel que la municipalité corrige rapidement et publiquement ses déclarations et ses affirmations à l’égard du flânage, puisque cela a eu pour effet de générer de l’inquiétude auprès des citoyens qui profitent en toute légalité du littoral de Batiscan.

Si vous souhaitez échanger ou si vous avez des questions ou des commentaires, n’hésitez pas à nous en faire part. Il nous fera plaisir d’échanger avec vous sur ce dossier important.

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

M. André Bélanger
Directeur général de Fondation Rivières

cc:
Henriette Rivard, conseillère municipale
Monique Drouin, conseillère municipale
Yves Gagnon, conseiller municipal
Sylvain Dussault, conseiller municipal
Pierre Châteauneuf, conseiller municipal
René Proteau, conseiller municipal
Maxime D. Gervais, directeur général
Guy Veillette, préfet de la MRC des Chenaux et maire de Saint-Narcisse
André Robitaille, président de l’Association pour l’accessibilité citoyenne de la plage de Batiscan

Photo : Artiste Ani Mullër. Photographe : Alex Gervais

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