Montréal, le 5 novembre 2020
TRANSMISSION PAR COURRIEL
Madame Sonia Lebel, Ministre responsable de l’Administration gouvernementale
Présidente du Conseil du trésor
Secrétariat du Conseil du trésor
875, Grande-Allée Est, 4e étage, secteur 100
Québec (Québec) G1R 2R8
Madame Andrée Laforest, Ministre
Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation
Édifice Jean-Baptiste-De La Salle
10, rue Pierre-Olivier-Chauveau
Aile Chauveau, 4e étage
Québec (Québec) G1R 4J3
Objet : Subventions inappropriées par le MAMH en assainissement des eaux usées
Madame la Ministre,
Ces derniers jours, la Fondation Rivières a été saisie de plusieurs cas où des subventions attribuées par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation dans le cadre de trois programmes vont à l’encontre des règles et normes qui prévoient que cette aide financière soit dédiée à régler des problèmes concrets, actuels, et non pas à soutenir de futurs projets de développements immobiliers.
Cette situation a pour effet de réduire l’argent disponible pour réaliser des travaux prioritaires d’assainissement, alors que les problèmes de déversements d’eaux usées et de systèmes d’épuration déficients sont criants. Ce détournement de la finalité de fonds dédiés à la réduction de la pollution aura également pour effet d’encourager les associations municipales, telles l’Union des municipalités du Québec et la Fédération québécoise des municipalités, à réclamer encore plus d’argent, alors que des sommes d’argent considérables sont bel et bien disponibles dans les trois programmes d’aide en question. En voici quelques exemples.
Fonds sur l’infrastructure municipale d’eau (FIMEAU) et Saint-Hyacinthe
La ville de Saint-Hyacinthe vient d’obtenir une subvention pour un projet de mise aux normes de la station d’épuration. Ce projet est subventionné à raison de 25,2 M$ sur un coût estimé à 31,5 M$, ce qui correspond à une subvention de 80 %. Or, la lecture des documents d’ingénierie montre que la majorité des coûts est occasionnée par l’objectif d’augmenter de 55 % la capacité de la station d’épuration afin d’accueillir de nouveaux projets immobiliers et industriels pour les 20 prochaines années. De tels travaux à des fins de développement n’avaient jamais été rendus admissibles jusqu’à ce jour car les subventions ont toujours eu pour but d’accompagner les municipalités dans la réalisation de travaux rendus nécessaires suite à un resserrement par le gouvernement des normes environnementales. Il a toujours été acquis que les municipalités qui souhaitaient attirer de nouveaux projets devaient en assumer les coûts inhérents. Après tout, c’est leur choix et éventuellement à leur bénéfice.
Un autre cas similaire vient d’être annoncé dans la Ville de Magog (voir ci-joint l’article du Reflet du Lac) qui prévoit abandonner sa station d’épuration du secteur Omerville, qui a pourtant une excellente performance de traitement, mais qui veut développer ce secteur et ainsi diriger l’ensemble des eaux vers sa station d’épuration principale, au coût de 30 M$ ! Elle demande une subvention gouvernementale que le MAMH s’apprête à attribuer.
Il s’agit selon nous d’un détournement des fonds car ceux-ci ne seront pas attribués à des projets pour fins de réduction de la pollution, comme le prévoient les règles et normes des programmes en vigueur. Ces règles et normes mentionnent pourtant, explicitement, la non-admissibilité des coûts visant des augmentations de capacités pour du développement outre mesure. Or, les données d’exploitation de la station d’épuration de Saint-Hyacinthe montrent que la capacité de conception n’a pas été atteinte. Pour celle de Magog – secteur Omerville, la performance épuratoire est excellente dans les conditions actuelles!
Le projet de la ville de Saint-Hyacinthe comporte une mince portion utile d’environ 4 M$ sur les 31,5 M$ afin d’ajouter un système de désinfection. Une autre portion, aussi minime, vise le remplacement d’équipements vétustes. Quelques 20 M$ sur les 25,2 M$ d’aide financière n’auraient assurément pas dû être alloués au projet, compte tenu d’un autre montant de 20,1 M$ qui aurait pu être utilisé dans le programme de la Taxe sur l’essence et de la contribution du Québec (TECQ).
Avec de tels précédents, qu’est-ce qui empêchera Saint-Liguori dans la MRC Montcalm, qui réclame un dézonage agricole important, de profiter de cette brèche pour réduire ses coûts de développement immobilier?
La Taxe d’accise sur l’essence et la contribution du Québec (TECQ) 2019-2023
Ce programme prévoit le versement de montants substantiels prédéterminés selon la population de chaque municipalité. Il totalise 3,4 G$, une somme astronomique, pour réaliser des travaux devant être terminés d’ici trois ans, soit le 31 décembre 2023. Or, seulement 20 % de ce budget était engagé au 30 septembre dernier. L’argent est disponible depuis 2019 mais les municipalités tardent à planifier leurs travaux d’infrastructures qui doivent cibler en priorité :
- L’installation, la mise aux normes des équipements d’eau potable et d’assainissement;
- Études visant à améliorer la connaissance des infrastructures municipales;
- Renouvellement des conduites d’eau potable et d’égouts;
- Voirie locale, infrastructures liées à la gestion des matières résiduelles, amélioration énergétique des bâtiments municipaux, infrastructures municipales à vocations culturelles, communautaires, sportives et de loisirs, infrastructures visant le déploiement d’un réseau d’internet à haute vitesse.
Ces fonds auraient donc pu être utilisés en priorité pour le remplacement d’équipements à Saint-Hyacinthe, ou pour la réduction du nombre élevé de déversements d’eaux usées. Or, la programmation des travaux de Saint-Hyacinthe n’a pas encore été convenue avec le MAMH et l’analyse des dossiers devrait être faite globalement et non en silo, par programme.
Il en est de même avec la ville de Magog – secteur Omerville – qui dispose d’un montant de 9,7 M$ pour améliorer ses équipements ou pour réduire le nombre considérable de déversements dans l’environnement d’eaux usées non traitées. Le projet annoncé d’abandon des installations de traitement existantes, performantes, pour accueillir de nouveaux développements immobiliers, ne devrait pas être subventionné. À noter également qu’un terrain de camping s’est développé au fil des années très près de la station d’épuration, à 30 mètres, alors qu’un rayon de protection de 150 mètres aurait dû être appliqué par la Ville. Il est de la responsabilité de celle-ci d’appliquer des règles d’aménagement tenant compte des nuisances et d’ajuster la capacité de traitement au besoin.
En résumé
La gestion actuelle des projets de mise en place ou de remplacement d’infrastructures municipales d’eau conduit à un gaspillage important des fonds publics et à une iniquité intermunicipale.
Des dossiers tels que ceux des villes de Saint-Hyacinthe et de Magog montrent même que des subventions ne devraient pas être attribuées. Jusqu’à ce jour, il n’était pas permis que des fonds publics servent à soutenir des développements immobiliers. Le gouvernement en vient même à subventionner l’étalement urbain dans certains cas.
On constate que plusieurs organisations municipales réclament des budgets additionnels alors qu’il existe des fonds disponibles, et même inutilisés, dans les programmes PRIMEAU et TECQ. Un recadrage organisationnel doit donc être effectué afin que l’aide financière soit attribuée en priorité aux problèmes actuels de pollution.
Espérant que ces informations vous permettront d’intervenir adéquatement auprès des ministères concernés, je demeure disponible pour tout renseignement supplémentaire.
Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.
Alain Saladzius, ing., FIC
Président, Fondation Rivières
Photo : Egin Akyurt/Unsplash