Alors que les canicules deviennent de plus en plus fréquentes, le désir de se baigner dans l’un des nombreux lacs ou rivières du Québec grandit. Mais la qualité de l’eau permet-elle de se baigner de manière sécuritaire? Comment le savoir?
Contrairement à ce que plusieurs pourraient penser, la température, la couleur et la turbidité de l’eau douce ne sont pas nécessairement des indicateurs de sa qualité. Outre les cyanobactéries (algues bleu-vert), il faut se fier au dénombrement de coliformes fécaux, plus précisément d’Escherichia coli, fréquemment appelé E. coli. Et pour connaître leur quantité, ça prend les bons outils… lorsqu’ils sont disponibles!
E. coli, c’est quoi?
E. coli est une bactérie d’origine fécale que l’on retrouve dans les tubes digestifs de mammifères, dont les humains et les oiseaux. L’E. coli représente 90% des coliformes fécaux, aussi appelés coliformes thermotolérants.
Par contre, certains types de coliformes thermotolérants sont pathogènes. Bien que la majorité des souches d’E. coli ne soient pas pathogènes, la bactérie reste un excellent indicateur de contamination fécale dans les cours d’eau. Une concentration élevée représente alors un risque élevé de présence de bactéries pathogènes.
Pourquoi y a-t-il des coliformes fécaux dans l’eau?
Les eaux usées sont une source importante de la contamination des cours d’eau. Lorsque les débits circulant dans les conduites d’égout ou dans une usine d’épuration sont trop grands, il devient impossible de traiter les eaux usées de façon efficace. Résultat : débordements non traités dans les structures de débordement, ou dérivations d’eaux usées partiellement traitées dans la station. Ces événements sont plus fréquents lors de la fonte des neiges et lors de pluies importantes. En théorie, ils sont interdits par temps sec.

Cela dit, certaines stations n’ont pas les infrastructures nécessaires permettant la désinfection. C’est-à-dire que les affluents ne subissent pas de traitement tertiaire, seulement des traitements physico-chimiques et biologiques. Par conséquent, les rejets contiennent des coliformes fécaux d’origine humaine. Autres sources de contamination? Déversements illégaux, ruissellement issu de milieux agricoles où l’épandage de fumier et l’élevage de bétail sont pratiqués, et contamination d’origine aviaire. Et oui : certaines plages fortement fréquentées par des mouettes, canards et bernaches démontrent une contamination liée à leurs fientes!
Comment vérifier le taux d’E. coli dans l’eau?
Au Québec, les normes concernant la qualité de l’eau pour la baignade et la pratique d’activités nautiques sont mesurées en Unité Formant Colonie par 100 mL (UFC/100mL). Les analyses traditionnelles au laboratoire font le dénombrement des bactéries d’E. coli cultivables. La norme pour la baignade est fixée à 200 UFC/100mL alors que celle pour les contacts secondaires (canot, kayak, etc.) est de 1 000 UFC/100 mL.
Atlas de l’eau
L’Atlas de l’eau permet d’évaluer la qualité de l’eau à un certain endroit de façon préliminaire puisque les données ne sont pas fournies en temps réel et qu’il ne sont pas toujours nombreux, c’est-à-dire qu’à lui seul, cet outil en nécessite d’autres. Cette carte interactive mise au point par le gouvernement du Québec permet de repérer les ouvrages de surverses, stations d’épuration, rejets industriels, parcelles agricoles et certains sites d’échantillonnage au Québec ainsi que leurs historiques. En sélectionnant l’icône de couleur bleue nommée Qualité de l’eau puis en cochant Suivi bactériologique – Coliformes fécaux et Tendances : Coliformes fécaux, on a un bon aperçu de leur présence par le passé, ce qui peut donner une bonne idée pour le futur! Il est aussi possible de sélectionner l’icône de couleur vert intitulé Sources de pollution et de cocher les contaminants qui nous intéressent pour connaitre ce qui, outre les E. coli, pourrait affecter la qualité de l’eau.

RSMA
Pour les citoyens et citoyennes de Montréal, il est aussi possible de visiter le site du Réseau de suivi du milieu aquatique (RSMA) pour identifier des sites dans le fleuve Saint-Laurent ou la rivière des Prairies ayant généralement une bonne qualité de l’eau. Il est à noter que les résultats d’échantillonnage ne sont pas instantanés. Par conséquent, suivant une pluie, il est préférable d’attendre 48 heures avant d’être en contact avec l’eau en cas de débordements d’ouvrages de surverses.
Un outil fiable?
En réalité, il s’avère difficile de faire un suivi de la qualité microbiologique de l’eau efficace. Les analyses traditionnelles sur lesquelles se basent les normes sont lentes puisqu’une période d’incubation de 24 heures est nécessaire. C’est pourquoi il est impossible d’obtenir un portrait fidèle de la réalité en temps réel sur la qualité de l’eau en un endroit donné avec les outils disponibles au grand public.
Par contre, de nouvelles technologies émergent, comme le ColiMinder et Fluidion, qui produisent des analyses en 15 minutes et quelques heures, respectivement. Bien qu’elles ne soient pas encore approuvées au niveau réglementaire, elles ont un grand potentiel pour améliorer la gestion de la qualité des eaux récréatives, en détectant rapidement et sur place les pics de contamination. Après tout, il est bien préférable de connaître la qualité de l’eau pendant que l’on s’y baigne!

D’ici à ce que l’usage de technologies efficaces soit répandu par les instances concernées, une bonne évaluation de la qualité de l’eau exige une compréhension approfondie des sources de contamination historiques et potentielles en amont, ainsi qu’une caractérisation du site de baignade. Fondation Rivières entreprend d’ailleurs plusieurs projets cet été dans l’espoir de pouvoir inaugurer des sites de baignades sécuritaires, notamment dans le fleuve Saint-Laurent ainsi que dans les rivières Richelieu et Châteauguay. Des campagnes de dépistage de sources de pollution et de suivi sur la qualité de l’eau seront réalisées, reposant sur le dénombrement d’E. coli à l’aide d’analyses traditionnelles combinées à celles au moyen du ColiMinder.
Fondation Rivières pose des actions concrètes pour assurer la qualité de l’eau et favoriser l’accès aux cours d’eau. |
Photo principale : Cristian Mijea / stiridemontreal.com
À propos de l’auteur
Marisol Uriza
Marisol est stagiaire technicienne de terrain en qualité de l’eau chez Fondation Rivières. Elle complète présentement un baccalauréat en génie géologique, profil environnement, à Polytechnique Montréal.