Il fut un temps où l’on pouvait détruire les milieux humides du Québec en toute impunité. Puis, un temps où des promoteurs immobiliers essayaient coûte que coûte de contourner les règlementations mises en place pour justifier des projets néfastes aux milieux naturels.
Et bien, ce temps sera bientôt révolu car un pas de géant dans le droit environnemental vient d’être franchi: la Cour Supérieure a jugé que la propriété privée ne constituait pas un droit absolu en ce qui concerne la conservation des milieux humides. Il ne sera donc plus question de poursuivre les municipalités concernant les règlementations qui protègent ces milieux essentiels à notre environnement, et surtout pas en utilisant l’excuse de la propriété privée!
Des milieux humides vulnérables
La situation des milieux humides au Canada est critique, alors que déjà 70% d’entre eux en milieu habité ont été détruits. La situation est encore plus grave près de la Communauté Métropolitaine de Montréal où à peine 15% des milieux qui existaient à l’état naturel sont encore intacts, ce qui constitue une catastrophe écologique pour la survie des espèces. Rappelons-nous que la rainette faux-grillon est encore en péril au Québec!
Ces milieux sont essentiels en raison de la diversité biologique qui en dépend, mais aussi des multiples bienfaits qu’ils apportent, que ce soit par la filtration de l’eau ou la régulation des débits. Véritables zones tampons de la nature, ils sont essentiels pour le maintien de l’équilibre de l’écosystème, dont celui des rivières.
Passer par la justice pour détruire
Les municipalités qui souhaitent faire leur part pour améliorer le sort des milieux humides ont un pouvoir non négligeable dans la conservation des espaces naturels, et ce grâce à leurs règlements de zonage. Il est essentiel qu’elles soient en mesure de les faire respecter.
En effet, la règlementation municipale est bien plus efficace que la version provinciale, soit le Règlement pour la Compensation et la Restauration des Milieux Humides et Hydriques. Ce règlement préconise, comme contrepartie à l’atteinte d’un milieu humide, de verser une certaine somme ou de promettre la restauration d’un autre milieu. Or, la compensation n’est en rien un moyen suffisant pour freiner la destruction lorsque les moyens financiers des promoteurs sont suffisamment importants, et surtout si ce Règlement s’assouplit. La Fondation a d’ailleurs dénoncé les intentions d’assouplir le Règlement dans le passé. La nouvelle mouture de celui-ci, présentée en juillet 2021, s’avère, selon la Fondation, plutôt inquiétante vu que l’objectif de «zéro perte nette» est encore très loin d’être atteint. Par conséquent, le zonage municipal est sans conteste l’outil règlementaire le plus efficace. C’est pour cela qu’il est le plus contesté lors des projets de développement immobilier.
L’expropriation déguisée a longtemps été un motif utilisé par les promoteurs pour essayer de contourner la règlementation municipale qui protège les espaces naturels. Selon eux, les municipalités enfreignent le droit de propriété privée en restreignant de nombreux usages de terrain à des fins de conservation. Souvent, ils arrivent à leurs fins en réclamant une somme compensatoire en échange du potentiel de revenu «perdu» par les règlements de zonage. Cette somme est souvent très élevée; c’est entre autres pour cela que la Ville de Montréal n’a jamais pu protéger le ruisseau de Meadowbrook, ce qui a conduit à sa triste situation.
Cette pratique pourrait bien prendre fin avec ce dernier verdict , et la Fondation se réjouit de ce nouvel état du droit!
L’importance du droit en environnement
Ce n’est pas la premier cas judiciaire que la Fondation suit de près. Nous devrons nous attendre à d’autres tentatives de justifier la destruction de milieux naturels dans le futur. Cette dernière décision reste tout de même très encourageante!
Afin de rester informés sur les enjeux légaux en environnement, nous vous invitons aussi à parcourir la page Obiterre du Centre Québécois du Droit en Environnement, qui propose une vulgarisation de tous les aspects légaux à retenir, notamment en ce qui a trait aux milieux humides et hydriques.
Restons vigilant.e.s et informé.e.s!