LETTRE OUVERTE
La PDG d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, voit juste lorsqu’elle indique qu’il existe d’autres solutions concrètes et à moindre coût que la construction de nouvelles centrales hydroélectriques pour accroître la production d’électricité de 50 % d’ici 2050. Elle a également raison de souligner qu’il est insensé de continuer à vendre de l’électricité à 5 cents le kilowattheure alors que celle-ci coûtera 11 cents à produire dans les nouveaux projets.
Mme Brochu se démarque ainsi par sa rigueur, une attitude qui suscite admiration et espoir auprès de la population et des analystes. Son questionnement sur les tarifs industriels, actuellement très bas, rejoint celui à maintes reprises exprimé par Fondation Rivières lors d’audiences publiques. Il en est de même avec l’éolien. Bien qu’elle ne soit pas une énergie verte sans conséquences environnementales, l’hydroélectricité est précieuse, renouvelable, et ne doit pas être gaspillée ou utilisée à mauvais escient par des entreprises énergivores et polluantes. L’usage de l’électricité doit être pertinent et procurer un gain tangible pour la société en permettant notamment d’éliminer l’usage d’énergies fossiles.
Le rapport scientifique Trajectoires de réduction d’émissions de GES du Québec – Horizons 2030 et 2050 (mise à jour 2021) produit par la firme Dunsky a évalué le contexte énergétique québécois. Il propose des solutions répondant aux objectifs énergétiques de carboneutralité d’ici 2050 sans recourir à de nouvelles centrales hydroélectriques.
Ce rapport, une référence pour le ministère de l’Environnement (MELCC) dans le domaine de la lutte contre les gaz à effet de serre, indique clairement (p.15) qu’aucune construction de nouvelles centrales hydroélectriques n’est requise d’ici 2050 pour des fins de carboneutralité.
Le potentiel éolien sur le territoire québécois, situé à moins de 25 kilomètres des lignes de transport, est de plus de 100 000 MW. Il réussirait à lui seul à combler les principaux besoins estimés à 20 000 MW d’ici 2050. Cela représente cinq fois les futurs besoins du Québec. Suffisamment important pour songer à ce qu’Hydro-Québec entame elle-même ce chantier. À cela s’ajoute le potentiel d’économie d’énergie, de production solaire et l’usage de nouvelles technologies.
C’est une première pour la Fondation Rivières que d’appuyer publiquement Hydro-Québec quant à sa gouvernance, et nous le faisons avec conviction. Les ingérences du gouvernement, qui lui ordonne parfois un chemin à suivre, ont souvent donné de très mauvais résultats. Rappelons-nous les coûteux programmes de petites centrales imposés à Hydro-Québec depuis les années 1990 afin de favoriser des entrepreneurs privés ou des groupes d’intérêts. Cette fois, ce sont de grandes industries qui veulent acheter une électricité en bas du prix coûtant. Même Dollarama ne vend pas ses produits en bas du prix coûtant.
Par Alain Saladzius, président de la Fondation Rivières
Ce texte est initialement publié dans la section Débats de La Presse
Photo : Martin Tremblay, La Presse